Sur la route romaine de Poitiers à Saintes,
la première étape, attestée par les cartulaires médiévaux,
est Croutelle, blottie dans son vallon au bord de la Feuillante. Un habitat
troglodyte à l'époque gallo-romaine lui vaut sans doute
son nom de Cruptellae
qu'elle conservera jusque vers 1130.
On lui connaît au 13ème siècle une
église paroissiale sous le vocable de Saint Barthélemy,
qui sera un jour élevée en prieuré, et au début
du 14ème siècle une fondation caritative, accueillant indigents
et malades, l'Aumônerie dont dépend un Hôtel-Dieu,
où l'on soigne les " lépreux blancs " ou "
faux lépreux ", tandis que les vrais lépreux étaient
entraitement à Mezeaux.
Alentour s'y développent des ateliers
de tourneurs sur bois, dont les " finesses
" et les " tournures " se répandent bien
au delà du Poitou, jusqu'aux extrémités du royaume.
Nos menuisiers ingénieux, ciselant le buis et le fusain, multiplient
quenouilles et fuseaux, quilles et boules, flûtes, pipeaux, haut-bois,
cornemuses, flageolets et sifflets, pour le plaisir des paysans comme
pour celui des princes, les branles de village et les fêtes de cour.
Un jour lointain encore, la reine Catherine de Médicis accueillera
en son palais toute une collection de ces menus objets, dont les noms
de nos rues Vincent Pya et André Pineau perpétuent aujourd'hui
le souvenir.
> Voir la gallerie de
photo consacrée aux "finesses"
Le 15ème siècle voit la colline
de la Mothe se doter d'un château, dû à Simon Mourraut,
commissaire de la recette et de l'emploi des deniers communs de la Ville
de Poitiers. Après quatre-vingts ans, le domaine passe dans la
maison du Puy du Fou, vieille famille poitevine, en charge d'importantes
magistratures, pour échoir au début du 17ème siècle
à Godefroy Poussineau, trésorier de France à Poitiers,
qui agrandira le château et dont la descendance en maintiendra l'éclat
jusqu'en 1850, date à laquelle la terre de la Mothe entre dans
la famille Paulze d'Ivoy, avant de passer à la famille Laveissière.
Un Paulze d'Ivoy fut le premier maire élu de Croutelle.
La création en 1431 de l'Université de
Poitiers, par le roi Charles VIII, donne un nouveau souffle aux abbayes
voisines de Ligugé et de Fontaine le Comte qui attirent les humanistes.
Venant de Moillezais, François Rabelais
élit domicile chez ses frères de Saint-Martin, d'où
il se rend fréquemment à Fontaine, pour y visiter son ami
helléniste l'abbé Ardillon. Chemin faisant, il nous dit
s'arrêter à Croutelle, pour y boire à la " fontaine
caballine ", selon la tradition des étudiants de Poitiers,
qui allaient, à chaque rentrée universitaire, y puiser l'intelligence
des belles-lettres. Ainsi Croutelle entre-t-elle dans la légende
ou plutôt dans l'histoire fantastique de la jeunesse de Gargantua.
Si l'humanisme fut fervent dans la contrée,
la Réforme fut active à Croutelle. Calvin s'y cache
en une grotte, trois nuits de suite, avant de filer vers Genève,
non sans laisser derrière lui de nombreux adeptes. C'est dire que
les guerres de religion seront rudes pour Croutelle : on cite plusieurs
rencontres sanglantes pendant les combats de la Ligue, mais c'est la révocation
de l'édit de Nantes qui portera le coup le plus dur à la
prospérité du bourg en entraînant la fermeture des
ateliers et la dispersion des artisans. Le lieu dit "champ de bataille
", situé à la sortie sud de Croutelle, n'évoque
cependant qu'une rixe sanglante, le 16 janvier 1669, entre deux hobereaux
en colère et leur suite.
Le bourg subsiste au temps des diligences, premier
relais après Poitiers sur la route de Niort : on change
les chevaux avant la côte de la Mothe ; on dispose d'un maréchal-ferrant
et deux hôtels la " Croix Blanche " et le " Saint
Nicolas " offrent leurs commodités aux voyageurs. Un maître
de poste actif, le sieur Bouchet, obtient en 1790 que Croutelle devienne
chef-lieu d'un canton régnant sur Béruges, Biard, Fontaine,
Iteuil, Ligugé et Vouneuil, tandis que la paroisse, tenue pendant
plus de cinquante ans par le bon abbé Pierre Pain, fédère
les activités de toutes celles du canton.
Quelques décennies plus tard, Croutelle
perd ces avantages et tombe à moins de 300 âmes. Ce déclin
devait être conjuré grâce aux initiatives prises par
les nouveaux propriétaires de la Mothe. La
famille Laveissière fait en effet l'acquisition du château
au tout début du siècle et en entreprend la rénovation,
mettant à contribution tous les corps de métier de la commune
(menuisier, maçon, plâtrier, ferronnier, jardinier,
).
Non content de stimuler l'activité artisanale, Jean-Jacques Laveissière,
fils de joseph, donne à la vie municipale associative un nouvel
élan, quand il est maire, charge qu'il exerce durant trois mandats
successifs.
Cette continuité
dans l'action municipale se retrouve dans les quatre mandats de Jean-Charles
Boulanger, sous l'égide duquel la commune connaît un nouvel
essor, passant à 650 habitants, à la faveur du lotissement
de la Berlanderie. La perspective prochaine d'un aménagement de
la sortie Nord de Croutelle et d'un ultime lotissement dans les hauts
de Croutelle promet à la commune un avenir radieux.
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